Le centenaire de l'armistice du 11 novembre 1918 est célébré en grande pompe à Paris ce dimanche, célébrons-le à notre manière, la manière botanique, en revisitant les articles que Joanny a écrit pour nous il y a quelques mois.
Intéressons-nous tout d'abord au bleuet, cette fleur bleue, emblème en France des victimes de la Grande Guerre.
Fleur des champs emblématique, le bleuet comme le coquelicot dont nous reparlerons, est passé du statut d’adventice (qui pousse sans avoir été semée) abondante à plante messicole (qui pousse dans les moissons) en perdition.
Avant que toutes sortes de désherbants, pesticides et autre chimie, soient utilisées pour améliorer les rendements, les plus anciens d’entre nous, se souviennent avec émotion et regret de ces fleurs multicolores qui ornaient les champs de blé de leur enfance.
Il est la fleur des poètes, auxquels la couleur bleue est généralement associée : le bleuet, comme tant d’autres, ne doit sa survie qu’à l’extension des méthodes de fauchages tardifs au bord des routes et chemins de campagne.
Le Bleuet des champs, Centaurea cyanus,
Le Bleuet des champs, Centaurea cyanus, appartient à la famille des astéracées. Selon les régions, il peut être appelé Aubifoin, Barbeau ou, d’après Fournier, Herbe de Zacharie.
Le Bleuet des champs, Centaurea cyanus,
Il doit son nom de genre “Centaurea“ au centaure Chiron, créature mythologique représentée avec un avant-train humain et quatre pattes de cheval. Chiron était considéré par Homère comme le plus juste des centaures, versé dans la connaissance des plantes, il en avait retiré l'art de guérir.
Le nom d’espèce “cyanus“ provient du bleu cyan de ses capitules floraux.
L’origine du bleuet est sujet à controverse, Proche-Orient pour certains, Europe pour d’autres.
Plante annuelle ou bisannuelle à tige rameuse, à feuilles basales disposées en rosettes, les feuilles des tiges sont sessiles et alternes.
Le Bleuet des champs, Centaurea cyanus,
Les capitules renferment des fleurons de deux sortes. Les fleurons du centre tubulés, à pétales courts et étroits, d’un bleu foncé, purpurin sont hermaphrodites.
Les fleurs marginales plus grandes, à corolle très voyante, ont un calice renflé, en cornet et surmonté de grandes ligules bleues en forme d’éventail à 5 grandes dents très effilées.
Le Bleuet des champs, Centaurea cyanus,
Autrefois, il était le «pestiféré» des paysans car il émoussait faux et faucilles à la moisson. En effet, le bleuet possède des tiges élastiques qui deviennent très dures en fin de floraison.
Le bleuet est exclusivement employé par la médecine populaire. Il contient des tanins, des flavonoïdes, des principes amers et de l’anthocyane pour le colorant bleu de ses fleurs.
Pour l'herboriste Pierandrea Mattioli (1501-1577) la couleur bleue de la fleur symbolisait les yeux sains, et selon les principes de la Théorie des signatures * il prescrit donc la plante en tant que remède contre les affections oculaires. Ce qui lui vaut également le nom de «casse lunettes».
L’eau florale de bleuet dont les vertus ont été découvertes au XIIème siècle par la religieuse Hildegarde de Bingen, (1098-1179), passionnée de médecine naturelle, est un produit frais et légèrement parfumé aux vertus multiples notamment pour les yeux et la peau.
Bleuet de France.
Lors de la guerre de 14-18 les bleuets – comme les coquelicots – continuaient à pousser dans la terre retournée par les milliers d’obus qui labouraient quotidiennement les champs de bataille. Ces fleurs étaient le seul témoignage de la vie qui continuait et la seule note colorée, avec le coquelicot, dans la boue des tranchées.
Ce terme de « Bleuets » a désigné les soldats fraîchement arrivés sur le champ de bataille, en raison de l’uniforme bleu horizon dont ils étaient vêtus. Ces jeunes recrues qui, pour des milliers d’entre eux n’ont jamais eu vingt ans, ont été surnommées ainsi par les poilus plus anciens qui avaient porté le désastreux pantalon rouge garance encore en usage au tout début de la Première Guerre mondiale.
Cette appellation perdura pendant toute la guerre parce que l’uniforme neuf aux couleurs encore fraîches équipait le nouvel arrivant et contrastait avec la couleur de boue des uniformes des vétérans.
La popularité des « Bleuets » est telle que son image est utilisée par la propagande au travers de cartes postales, affiches, chansons et poèmes :
Les poilus français ont choisi le bleuet comme symbole de leur guerre.
Voici les p'tits bleuets,
Les bleuets couleur des cieux,
Ils vont jolis, gais et coquets
Car ils n'ont pas froid aux yeux.
En avant partez joyeux,
Partez amis, au revoir !
Salut à vous les petits "bleus"
Petits "bleuets", vous notre espoir.
ALPHONSE BOURGOIN, extrait de Bleuets de France 1916
A la fin de la première guerre mondiale fut créée L’Œuvre Nationale du Bleuet de France qui est une association reconnue d’utilité publique placée depuis 1991 sous l’autorité de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre.
Son objectif est toujours de recueillir des fonds afin de financer les œuvres sociales qui viennent en aide aux anciens combattants, veuves de guerre, pupilles de la Nation, soldats blessés en opération de maintien de la paix, victimes du terrorisme.
Le 11 novembre et le 8 mai, de petites insignes en papier, en forme de bleuet, sont vendues au profit de cette association.
Terminons sur une note plus légère :
Mesdames ou mesdemoiselles, si vous hésitez entre deux prétendants que vous aimez d'égale manière, préparez deux enveloppes contenant chacune une fleur de bleuet. Inscrivez sur chacune le nom de l'un des deux héros. Au bout de quelques jours . ouvrez-les et choisissez celui dont la fleur est la plus fraiche.....
Joanny