CO2 Mon Amour / Denis Cheissoux Samedi 14h sur France Inter !
« Promenons-nous dans les bois, temps que le spéculateur n’y est
pas ! »
Un samedi du printemps, Denis Cheissoux commençait son émission hebdomadaire par un billet sur
la forêt, billet qu’il a publié sous une forme légèrement différente dans le numéro de février de Terre Sauvage, p.89. Je lui préfère celui des ondes
(retranscrit par mes soins) :
La grande Bretagne vient de faire un changement radical (à 180°) de politique concernant la
privatisation programmée de la gestion des forêts de la Couronne, par la bouche de la Secrétaire à l’Environnement, Ms Spellman. Elle y renonce, et ceci sous la pression indignée de petit peuple
britannique si attachée à ses forêts, et la Forêt de Sherwood (Robin Hood- Robin des bois !) ne sera pas ’transformée en parking’ et ses chênes séculaires
‘transformés en cure-dents ‘!
Denis Cheissoux donne la parole à la FORET :
« Je vous accueille à branches ouvertes, venez cueillir des histoires, car c’est dans les
forêts que germent les graines de livres. On y récolte des Chevaliers de la Table Ronde, des Merlin, des Viviane, des ogres dévoreurs mais néanmoins nécessaires quand les enfants d’aujourd’hui
veulent devenir traders. On y récolte aussi des beaux sapins, rois des forêts, que j’aime ta verdure...
Forêt au pied du Pic du Jalouvre,
côté Petit Bornand-les-Glières
Ecoutez-moi mes amis : je fais tout pour vous plaire, moi la forêt. Je chauffe vos
foyers, je charpente vos cottages, je fabrique vos journaux qui parlent de déforestation, je nourris vos imprimantes gourmandes et immatures ; je vous donne un châtaignier, à manger, à
glander. Je retiens la terre, je retiens la nuit, je filtre l’eau de vos carafes, je cache mes maquisards, j’écoute tous les matins les partitions des oiseaux. J’abrite, comme un trésor, les
derniers peuples isolés. Mais jusqu’à quand vais-je résister ?
Forêt près du lac Noir au pied du
Granier
Je suis un univers à moi toute seule ! Chlorophylle mon amour, cela fait des millions d’années
que je carbure à l’énergie solaire, je suis une spécialiste du zéro déchets : dans mon ventre peuplé d’insectes et d’humus, je recycle en silence feuilles mortes, bouts de bois, et tout le
reste : je reconstruis la vie.
"Au pied de mon arbre, je vivais
heureux"
Alors cette année on m’a mis à l’honneur, dans les colloques mondiaux où on s’inquiète de mon sort,
et on n’a pas tort : pour peu que j’ai du pétrole ou de l’or sous mes racines, c’en est fini de moi ! Sachez me cueillir juste, ne sciez pas la branche sur laquelle votre civilisation
est assise, car si vous m’éliminez, c’est vous qui disparaîtrez ! Je suis un modèle de patience, venez me voir : je vous enseignerai l’art de prendre le temps, de ne pas aller vite. Les
soirs de vieille lune je donne mon meilleur bois pour les stradivarius, et les jours d’éléments déchaînés, je suis une harpe qui apprivoise les vents.
Un des arbres du jardin des
Charmettes, chez Mme de Warens
Entrez en moi, venez abriter vos rêves, je cache mes amoureux, je fais des gens heureux, moi qui ne
sais pas lire ni écrire. J’attends vos mots, vos paroles ; venez lire mon avenir dans les lignes de mes feuilles, et moi je vous donnerai ce qu’il faut pour écrire le vôtre. »
Jean Guhl
Photos de Michel (le Breton), Yvette (de Faverges) et
Christianne (d'Annecy)