Tout est en place pour la catastrophe en novembre 1248, probablement due à l'érosion et aux infiltrations dans ce relief karstique. Et aussi, peut-être, à un tremblement de terre ressenti jusqu'en Angleterre : une masse de terre évaluée entre 150 à 500 millions de m3, selon les géologues, s'abattit sur la plaine ensevelissant jusqu'à 5000 personnes d'après l'historien Fodéré (chiffre revu à la baisse, actuellement....).
La zone d’épandage s'étend sur 23 km2 (parfois 40 m de profondeur). Disparaissent entièrement cinq paroisses – Cognin, Vourey, St André, Granier, St Pérange -, et deux sont partiellement détruites : Myans et Les Murs. Le nom « les Abymes » est fort évocateur, les vignobles y prévalent.
La thèse souvent retenue de nos jours est la suivante : une partie de la corniche calcaire cède et tombe sur les strates marneuses (vallaginiennes) gorgées d'eau, provoquant le glissement de terrains marneux. Le frottement des strates provoque une élévation de température qui vaporise l'eau ; ceci accélère les coulées entraînant des chutes des pans de la montagne. Une atmosphère de fin du monde, d’apocalypse ! La falaise ainsi créée est de 700 m-800 m de large, haute environ de 900m !
Le Mont Granier n'allait pas en rester là : en juin 1953, de nouveaux blocs se détachèrent de la falaise, créant une brèche de 300m de haut, 80m de largeur, sur une profondeur de 25 m.
Que dire de la brèche récente de janvier 2016 ! Les photos sont impressionnantes et ne manquent pas de ''ressusciter'' les effrois des effondrements précédents !
2016, Photos parues sur le site du Dauphiné Libéré
L’événement de 1248 a eu un retentissement considérable ! Pas de journalistes ni de témoin oculaire, mais les chroniqueurs de l'époque (1250 à 1283) à savoir les moines (tous ordres) en font des relations fournies : il en reste 9 textes dont je ne retiendrai que deux :
- Matthieu Paris, moine anglais, considère que la catastrophe est une punition pour les Savoyards, peuple perfide, comploteur avec le pape, et donc haïssable. Ils sont trop influents dans les affaires du royaume briton à la suite du mariage d'Henri III Plantagenet ( cf . la série TV Wolf Hall) avec Eléonore de Provence, petite-fille du Comte de Savoie Thomas I en 1236 !.....
- Étienne de Bourbon, moine français : pour lui c'est la punition du conseiller d'Amédée IV, qui expulsa les moines franciscains du prieuré d’Apremont pour s'accaparer de leurs biens. L'éboulement eut lieu la nuit de ce même jour de leur expulsion.....
Je vous fais languir ! Voici la légende représentée dans d'anciennes gravures et chroniques : ce gigantesque éboulement est l’œuvre du Diable et de ses acolytes, les Calabrins ! Au soir d'une journée sereine et calme – sauf pour les franciscains ci-dessus-, tempêtes et fin du monde se déchainèrent et firent tomber la montagne car les Calabrins s'en donnèrent à cœur joie !
« Pousse, pousse Calabrin,
Pousse jusqu'à Chignin ! »
S’exhortaient-ils mutuellement !
Fresques réalisées en 1936 par Léon Raffin
C’est alors que vint la réponse :
« Je ne puis, la Noire m'en empêche ! »
De fait l'éboulement s'arrêta au pied de la chapelle de la Vierge Noire, plus exactement aux talons des moines apeurés en prière qui avaient trouvé refuge là, fuyant le méchant conseiller cupide !!
Le choeur et la Vierge Noire du Sanctuaire de Myans.
Un vrai miracle de la Vierge ! Le pèlerinage était né, puisqu'on vient la supplier en cas de fléaux, d'épidémies, de danger … en témoignent nombre d’Ex-voto dans la crypte. Le sanctuaire et la chapelle supérieure, furent construits en 1498. La monumentale Vierge dorée, sur la tour, dominant toute la plaine est bien plus récente.
La Vierge dorée de Myans (73)
La plaine qui s'etend actuellement au pied du Granier
à droite, la célèbre faille de Montmélian.
Le Granier vu depuis le Lac de St Hélène
Jean
à suivre .......................
Peintres savoyards :
- Jean-Marie BUGNARD (1806- 1947) : « le peintre du Granier » ! Le Granier au couchant (1921 et 1947) , le Granier,crépuscule triste 1921
- Roger TERRIER (1917- 1945) : né à Chambéry dans une famille de cheminots. Suit les cours de l'Union Artistique de Savoie (direction : Amédée Daille). Grand résistant, il décède de tuberculose à l'âge de 27 ans en janvier 1945.
- Jacques DAUGERON (contemporain ):Si Chambéry est sa ville d'enfance, il ouvre son 1° atelier à Grenoble en 1993 ; revient à Chambery en 1997, son atelier est 6 rue Métropole .
- Bernard VINCENT (contemporain) : pas d'info pour l'heure...
Biblio :
Nombreuses entrées sur internet dont carte de la Chartreuse de Guillaume Daugé
Guide du Relief des Alpes du Nord , 3° éd. , Henri Widmer (Editions Gap 2015)
Plaquette des Missionnaires de N.D. de Myans, Ed. Collard, Covin, Jansol - non datée
La SAVOIE, les 305 communes, Ed. Delattre 2008
Dictionnaire Etymologique des Noms de Lieux en Savoie, Adolphe Gros , Ed. La Fontaine de Siloé