JEAN JACQUES ROUSSEAU ET L’ARGOUSIER ou l'épisode de Grenoble.
JEAN JACQUES ROUSSEAU ET L’ARGOUSIER (Hyppophae
rhamnoides)
Jean-Jacques ROUSSEAU 1712-1778
Cette année, Savoyards et Suisses fêtent le tricentenaire de la naissance du célèbre genevois.
Notre propos n’est pas d’étudier la vie et l’œuvre de l’illustre philosophe mais d’approcher un aspect parfois méconnu de sa personnalité, son
amour pour la botanique.
Joanny nous a parlé de l’argousier la semaine dernière, Jean Jacques Rousseau connaissait l'arbuste, Jean a fait de belles lectures pour nous :
Extrait des Confessions
«La botanique, telle que je l’ai toujours considérée, et telle qu’elle commençait à devenir une passion pour moi, était précisément une étude
oiseuse, propre à remplir tout le vide de mes loisirs sans y laisser place au délire de l’imagination.. » « Prendre machinalement çà et là tantôt une fleur, tantôt un rameau, [...] était de quoi
passer l’éternité sans pouvoir m’ennuyer un moment. Quelque élégante, quelque admirable, quelque diverse que soit la structure des végétaux, elle ne frappe pas assez l’œil ignorant pour
intéresser. Cette constante analogie, et pourtant cette variété prodigieuse qui règne dans leur organisation, ne transporte que ceux qui ont déjà quelque idée du système végétal ».
La fontaine de Jean-Jacques Rousseau à Annecy, nous vous reparlerons des petites
fleurs de la grille.
Dans la 7ème Promenade des Rêveries du Promeneur solitaire,
Rousseau écrit :
« Durant mon séjour à Grenoble je faisais souvent de petites herborisations hors de la ville avec le sieur Bovier, avocat de ce pays-là
; non pas qu’il aimât ni sût la botanique, mais parce que s’étant fait mon garde de la manche (= garde de corps), il se faisait autant que la chose était possible une loi de ne pas me quitter
d’un pas. Un jour nous nous promenions le long de l’Isère * dans un lieu tout plein de saules épineux. Je vis sur ces arbrisseaux des fruits
mûrs, j’eus la curiosité d’en goûter et leur trouvant une petite acidité très agréable, je me mis à manger de ces grains pour me rafraîchir : le sieur Bovier se tenait à côté de moi sans m’imiter
et sans rien faire. Un de ses amis survint, qui me voyant picorer ces grains me dit : « Eh ! Monsieur, que faîtes vous là ? Ignorez vous que ce fruit empoisonne ? – Ce fruit empoisonne ?
m’écriai-je tout surpris –Sans doute, reprit-il ; et tout le monde sait si bien cela que personne dans le pays ne s’avise d’en goûter». Je regardai le sieur Bovier et je lui dis : «
Pourquoi donc ne m’avertissiez vous pas ? –Ah, monsieur, me répondit-il d’un ton respectueux, je n’osais pas prendre cette liberté». Je me mis à rire de cette humilité dauphinoise, en
discontinuant néanmoins ma petite collation.
J’étais persuadé, comme je le suis encore, que toute production naturelle agréable au goût ne peut être nuisible au corps ou ne l’est du moins que par son excès. Cependant j’avoue que je m’écoutai un peu tout le reste de la journée : mais j’en fut quitte pour un peu d’inquiétude ; je soupai très bien, dormis mieux, et me levai le matin en parfaite santé, après avoir avalé la veille quinze ou vingt grains de ce terrible hippophaé, qui empoisonne à très petite dose, à ce que tout le monde me dit à Grenoble le lendemain. Cette aventure me parut si plaisante que je me la rappelle jamais sans rire de la singulière discrétion de M. l’avocat Bovier ».
Les fleurs de l'argousier sont apétales : peu de photographies.
Entre le 11 juillet et le 12 août 1768, Jean Jacques Rousseau séjourne à Grenoble, reçu par l’avocat Gaspard Bovier, et habite un « logement
fort petit, fort laid»** rue des Vieux Jésuites – actuellement Rue Jean-Jacques Rousseau, au n° 2, au coin de la Place Sainte Claire. Il s’y
sentira vite mal à l’aise, surveillé par tous : voici ce que lui écrit le prince de Conti : « Je sais que le lieutenant de police de Grenoble vous fait pour ainsi dire garder à vue »*** .
Les Rêveries.... furent écrites lors du dernier séjour de JJR à Paris, rue Plâtrière, entre 1776 et avril 1778
Jean
Notes :
* le long de l’Isère : en fait
le Drac sur l’actuelle commune de Seyssinet – il y est un sentier pédestre, tracé en souvenir de JJR.
** dans Dictionnaire de Jean-Jacques Rousseau
(R. Trousson et F S. Eigeldinger), éd. Champion Classiques, 2006
*** ibidem
Les baies de l’argousier sont comestibles et même savoureuses et surtout elles sont riches en vitamine C, mais nous
déconseillons la méthode de JJR pour tester la toxicité des plantes !
Photos Marie Paule, Christianne et empruntée à internet