Les jardins de l'Abbaye de Valloires
J’ai eu la chance de visiter fin avril un jardin extraordinaire en Picardie et je voudrais partager avec vous quelques unes de mes découvertes.
Ce jardin est celui de l’abbaye de Valloires, majestueuse abbaye cistercienne située au cœur de la vallée de l’Authie, dans la Somme.
« Créés par Gilles Clément, paysagiste de renommée internationale, les Jardins de Valloires recèlent plus de
5 000 espèces de plantes et d’arbustes essentiellement asiatiques.
Unique en France, cette collection est classée par critères décoratifs. Ce parti pris, résolument contemporain et pédagogique, associé à un remarquable niveau d’entretien, fait de ce lieu chargé d’histoire l’un des plus beaux jardins du pays ».
Nous visitons, accompagnés d’un guide botaniste jeune et passionné, le Jardin Régulier d’inspiration française.
Nous explorons le Jardin des Iles dit « à l’anglaise » et découvrons des sensations dans le Jardin des cinq sens.
Nous admirons l’île d’or et le «bizzaretum» où nous retrouvons un vieil ami, l’arbre aux mouchoirs
Davidia involucra.
La visite se termine dans l’ambiance paisible et rafraîchissante du Jardin des Marais.
Une roseraie mêlant variétés anciennes, sauvages et modernes nous laisse imaginer ce que sera l’été, les rosiers n’ayant pas encore commencé leurs floraisons.
Exception en ce printemps précoce, nous avons la surprise de découvrir la célèbre et simplissime rose de Picardie.
Elle est devenue au fil des ans l’emblème de cette région, le symbole de la paix retrouvée après la grande guerre, le symbole du renouveau. La chanson « Roses de Picardie » est née en 1916, de la rencontre d’un soldat britannique avec une habitante d’un village de la Somme : frappé par le contraste entre les combats terribles et la vision tranquille de cette femme prenant soin de ses rosiers, le soldat décide d’écrire un poème. Véritable hymne à la paix et à l’amour, le texte a ému toute une génération.
Mais ce que j’ai le plus apprécié, c’est de gravir l’échelle du temps dans le « Jardin de l’Evolution ».
Ce jardin installé sur un petit coteau, nous permet de parcourir le temps en gravissant des marches de schistes gris anthracite ; les différentes variétés de végétaux sont plantées selon leur ordre d’apparition sur notre planète. Evidemment ce parcours est très simplifié mais je trouve la démarche originale et intéressante.
Au commencement étaient les fougères et les prêles, l’évolution n’ayant pas encore « inventé » les fleurs.
Equisetum hyemale, prêle d’hiver
Puis apparurent les conifères et le célèbre et mythique Ginkgo biloba, l’arbre aux quarante écus, C'est la plus ancienne famille d'arbres connue, puisqu'elle serait apparue il y a plus de 270 millions d’années. Elle existait déjà une quarantaine de millions d'années avant l'apparition des dinosaures !
Voici sa feuille, « squattée » par une araignée du XXIème siècle.
Nous découvrons ensuite différents magnolias et des renonculacées aux couleurs chatoyantes, nouvelle stratégie de Dame Nature pour assurer la reproduction des espèces : fleurs colorées et parfumées.
Magnolia de Chine : Magnolia sinensis
Anémones en fleurs et en fruits :
Les paysagistes du jardin ont choisi de présenter ensuite les apiécées, évolution oblige, et l’une de leurs plus impressionnantes représentantes, la berce du Caucase. Lors de notre visite, elle ne mesurait que 70 cm environ, on sait qu’elle va atteindre près de 4 mètres en juillet, imaginez ses ombelles (50 cm de diamètre) !!. Les jardiniers sont très attentifs à la « maîtriser » nous dit notre guide, car vous connaissez sa dangerosité (nous vous en reparlerons bientôt).
La visite à travers le temps se termine aux milieux des graminées, l’une des dernières inventions de Dame Nature.
l'évolution nous reserve-t-elle d'autres surprises???
Une autre plante mérite qu’on parle d’elle dans cette région, c’est le pastel des teinturiers, Isatis tinctoria, qui fit la richesse d’Amiens au moyen âge et que nous avons retrouvé dans ce jardin. En effet on extrayait de ses feuilles le bleu d’Amiens, qui colorait les draps et autres tissus de l’époque :
« Au début du XIIIe siècle, période du règne de Philippe Auguste, Amiens vivait en pleine prospérité. La ville profitait de la proximité des Flandres dont l'activité drapière était florissante. Mais c'était le commerce de la guéde (ou waide en picard), ce fameux pastel des teinturiers, utilisé pour la teinture des draps et cultivé dans la région, qui assurait à la bourgeoisie amiénoise la base de sa fortune.
Amiens en avait le quasi-monopole et l'évêché d'Amiens participait à la prospérité générale. Les généreux donateurs ne manquaient pas et les ressources de l'évêché lui permettaient de financer le chantier gigantesque de la cathédrale. Les tailleurs de pierre ont su rendre hommage à cette brassicacée (quatre pétales) en ornant tous les porches de la cathédrale de semis de pastel »
Guirlande de pierre à l'image de l'Isatis
J’espère vous avoir intéressé et rendez-vous pour un prochain article concernant la Picardie.
Si vous passez dans les environs :
Abbaye de Valloires 80120 ARGOULES
Téléphone : 03 22 29 62 33
E-mail : contact@abbaye-valloires.com
Christianne
Photos de Nicole, Marie Paule, Yvette et Christianne.