Les Agrumes, bigarades et bigaradiers, III

Publié le par Entre Semnoz et Chéran

Quand les plantes se font la malle, la Médicée 15,16, 17 mars 2024

Jean-Noël FALCOU nous raconte l’histoire du Bigaradier en Provence

Le bigaradier est originaire du sud de l'Himalaya. Acclimaté en Mésopotamie, transporté par les Arabes en Syrie au Xème siècle, il poursuit son voyage en Sicile, puis en Andalousie.

Le bigaradier connut un grand succès en Andalousie, ce qui lui valut d’ailleurs le nom d’oranger de Séville. Cultivé pour son parfum, sa beauté, son symbolisme et ses pouvoirs supposés médicinaux, il devient l’arbre d’ornement favori des cours royales et des châteaux arabes et européens dès le XIVe siècle. C’est un signe de richesse.

L’orangerie de Versailles a été construite pour protéger ces arbres majestueux et les jardiniers du Louis XIV réussirent à faire fleurir les bigaradiers toute l’année.

Orangerie de Versailles, photo Internet

Orangerie de Versailles, photo Internet

Le bigaradier arrive en Provence, en particulier dans la région de Golf Juan et Grasse où le climat permet de le cultiver en pleine terre. Les moines de Lérins, dès XVIe siècle, mettent en oeuvre cette culture.

Au moyen-âge, Grasse est réputée pour la qualité de ses cuirs qui sont exportés dans tout le royaume et en Italie.  Mais le cuir tanné avec de l’urine sent mauvais. Un tanneur grassois eu l’idée de parfumer ses gants avec les essence locales, myrte, jasmins et … fleurs d’oranger. On distillait déjà la fleur d’oranger avant la révolution dans le sud de la France !

Des gants parfumés de Grasse auraient été offerts à Catherine de Médicis et ainsi débuta la grande époque des gantiers parfumeurs. La ville de Grasse développe bientôt des fragrances spécifiques pour cette industrie de la ganterie.

Gants parfumés de Grasse, photo Internet

Gants parfumés de Grasse, photo Internet

Aussi, la culture du Bigaradier se développa à Grasse et dans sa région suivie de celle de la tubéreuse, du jasmin, de la rose à cent feuilles, de la rose muscade, des cassiers, de la bergamote, de la lavande et du romarin. Au XVIIIème siècle, la ville fournissait la moitié des essences parfumées en Europe

Flacon ancien, photo internet

Flacon ancien, photo internet

La culture du Bigaradier

Le bigaradier, ou oranger amer, Citrus aurantium, est un arbre vigoureux et épineux pouvant atteindre 10 m de hauteur. Il présente des feuilles persistantes, ovales et pointues, vert foncé. Il développe de nombreuses fleurs blanches très parfumées. Leur odeur est beaucoup plus prononcée que les fleurs d’oranger doux.

La culture a permis de sélectionner plusieurs variétés dont le Bouquetier de Grasse. Cette variété, légèrement naine, produit des fleurs de taille supérieure à la moyenne, groupées en grappes très fournies. Les étamines sont plus nombreuses que chez les autres variétés courantes de bigarades.

Bouquetier de Grasse, photos internet Gerbeaud
Bouquetier de Grasse, photos internet Gerbeaud

Bouquetier de Grasse, photos internet Gerbeaud

Eau et huiles essentielles entrent dans la composition de nombreux parfums. La fin du XIXe voit la création d’une distillerie de fleurs d’oranger à Grasse gérée par une coopérative des arboriculteurs de la région. La culture du bigaradier s’étend ensuite à Bar-sur-loup, Vallauris, Golfe-Juan. L’année 1912 recense une récolte de 2467 tonnes de fleurs. C’est l’âge d’or, la création d’absolue de néroli, extrait grâce à des solvants volatils dope les ventes.

Les Agrumes, bigarades et bigaradiers, III
Les Agrumes, bigarades et bigaradiers, III

Malheureusement, après la seconde guerre mondiale, le déclin s’amorce. Gels, développement de la chimie de synthèse, délocalisation de la culture du bigaradier à l’étranger, en Tunisie particulièrement, urbanisation du sud de la France provoquent la diminution des récoltes et des ventes.

Actuellement la fleur d’oranger française ne représente que 4 à 6 tonnes par an, mais sa qualité reste tout à fait exceptionnelle. Tout est exploité, rien ne se perd, fleurs, feuilles, fruits, écorces.

La culture a sélectionné des porte-greffes performants. Cet arbre est très résistant, peu de maladies en viennent à bout

A la question des auditeurs de la conférence, « quel est le principal ennemi du Bigaradier », Jean-Noël FALCOU répond « actuellement il n'y a pas de ravageurs préoccupants, le principal ennemi du bigaradier, c'est l’urbanisation ».

     à suivre....

                                      Christianne

Sources :

  • Jean-Noël FALCOU

Responsable des filières agricoles chez Jean GAZIGNAIRE - Groupe MUL. Vallauris, Provence-Alpes-Côte d’Azur

  • Les saisons de Chanel, n°5
  • L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, Histoire de plantes, l’origine des agrumes : leur évolution et la naissance des espèces cultivées. Par François Luro
  • La Garance voyageuse, n°126
Grasse

Grasse

Publié dans Flore

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